CEPHAS L’IMPETUEUX

Références bibliques : Mathieu 26 : 69-75 – Jean 21 : 1-19

Le feu crépite au milieu de cette cour envahie par tant de personnes, venues voir le Rabbi prophète, faiseur de miracles, dépositaire de tant de sagesse et de puissance que personne en Israël ne peut contester. Et pourtant il est là, comme un criminel, humilié, offensé et insulté, quoiqu’il y eut peu de temps, la foule le portait aux nues, adulé comme le roi tant attendu.

Les mots. Ces réceptacles si creux, et que je sais bien manier dans mes moments d’émotions exaltantes. Comme la foule.

J’étais prêt à aller jusqu’à la mort pour mon Maitre. Le pire est que je le pensais avec conviction. Mais c’étaient les mots d’un homme, un élan qui s’est brisé à la première épreuve. Et Il savait que j’allais le renier. Il m’avait prévenu de mon acte, paisiblement, avec bonté même.

Oui je redoute les pharisiens et les sacrificateurs. Je redoute l’unité perverse qui resserre les rangs de cette foule de plus en plus haineuse, revendicatrice. Je crains pour ma personne, pour ma famille. Mais ce que je redoute le plus, c’est plonger mon regard dans celui de mon Seigneur. Ces yeux où il n’y a aucun reproche, aucune condamnation, pas même de l’animosité, rien, seulement de l’affection, de l’amour.

Juste son regard fixé sur moi, et s’écroulent les édifices de ma suffisance, mes valeurs absolues, ma fougue, mon zèle stérile…

Je me sens minuscule, menteur, arrogant, vide.

Il croit en moi, alors que mon propre égo me méprise.

Il mise sur moi alors que dans mes travers je m’enlise.

Je m’enfonce, indigne de ce pardon aux multiples guérisons.

Et je l’entends me dire : « Pais mes agneaux ! Pais mes brebis ! »

Je désespère de ma personne. Il me confie ses enfants et me pardonne.

Non il n’est pas humain cet Amour immuable, qui pulvérise les verrous de ma suffisance, et ouvre les cachots de mon cœur. Et personne n’en a les codes d’accès sauf Lui.

Je suis errant sur mes propres terres intérieures, mais Lui sait m’orienter, rétablir ma dignité perdue dans les dédales de mon reniement de l’Etre aimé.

Je le blesse. Il répond par une tendre étreinte.

Je le renie. Il ranime ma flamme éteinte.

Je le déçois. Il ouvre ses bras, Il me reçoit.

M’offrant la connexion avec le Père. Effaçant cette culpabilité amère.

Mystère des mystères ! La foule pensait détenir son destin entre ses mains, mais Lui a donné sa vie de sa propre volonté, maitrisant la destinée de l’humanité du début jusqu’à la fin.

Il me disait : « Quand tu seras revenu à moi, affermis tes frères. »

Oui je comprends hélas ses paroles après coup. Des dizaines voire des centaines de fois, Il a posé un regard serein sur moi après cette recommandation. Il savait que je le trahirai, que ma fidélité est plus légère qu’un fétu de paille, et pourtant la sienne restait plantée dans le Roc de sa confiance en moi, allant jusqu’à confier à mes mains tâchées l’affermissement de ses disciples. Quelle hauteur ! Quelle grâce ! C’est vertigineux pour un pêcheur ignare tel que moi.

Cependant, cette gloire ne m’écrase pas, ne m’humilie pas, ne fixe pas de projecteur sur mes fautes et négligences. Non, elle éclaire le potentiel qu’Il avait enfoui en moi avant la création, les talents cachés dans les profondeurs de la terre de mon cœur, et qu’Il déterrerait en son temps pour servir ses projets planétaires.

Le seul moyen de rouvrir la porte du ciel, condamnée depuis la séparation antique, est qu’Il plonge dans les affres de la croix pour faire, de l’aiguillon de la mort, du serpent ancien et du mal, son marche pied.

Oh ! Cette croix semblant si lugubre à mes yeux ! Lui Seul m’a permis de voir son impact dans l’invisible. Eclosion à la vraie Vie, hymne à la liberté, reconquête de l’héritage volé, retour du printemps ineffable.

Le Simon que j’étais s’évanouit dans le sillage de mon Seigneur, qui façonna un Céphas aux dimensions trop élevées pour moi. Comme un effet domino, son pardon, sa compassion, son souffle vivant, ses guérisons, sa réhabilitation de mon intégrité, sa présence restauratrice… tout le bouquet de ses dons aux lumières arc-en-ciel génèrent en moi une synergie divine, fondement inébranlable pour faire peau neuve, saisir une chance inespérée vers un devenir débordant d’espérance.

Il a pris sur Lui, à cette croix, le poids lourd de mes indus, de mon ardoise si chargée. Le voile s’est déchiré, sa voix me convie : « Vas-y Céphas, la voie est libre vers ton Père ».

Il s’est dépouillé de Sa vie pour que je me revête de la Vie.

Mon Jésus, Dieu fait homme devait regagner son palais de gloire, en prenant au passage tous mes dérèglements. Puis le Christ glorifié, baptiseur d’Esprit et de feu est descendu m’embraser.

Le don de sa vie est la jonction qui rétablit la liaison avec mon vrai Père, dont je suis séparé depuis si longtemps.

Mon Sauveur s’est donné. En Lui j’ai tout reçu.

Rien ne manque. Tout est accompli. Tout.

Najat

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