J’ai porté la Lumière du monde

Références bibliques : Mathieu 1 : 18 – 23

Luc 2 : 21 – 38

Je me remémorais nos fiançailles, notre projet d’union qui devint l’alpha d’une vie nouvelle, et rien n’eut d’importance que de fonder prochainement notre famille. Joseph était et demeurait un homme selon le cœur de Dieu, consacré et aimant. Après Dieu, mon cœur lui était dédié et rien n’égalait mon bonheur de passer ma vie attachée à lui. Tout se déroulait paisiblement comme s’écoulerait une vie ordinaire. Nous contemplions les jours s’égrener, et s’approcher le temps de notre union. Mais un fait se produisit, soudain et inédit, déviant la trajectoire de nos projets déjà en place. Après cela, rien ne se passa comme prévu. Nous étions entrés dans une ère fabuleuse qui propulsa un simple charpentier et sa fiancée à devenir acteurs au sein d’événements qui changeront le cours de l’humanité, et ébranleront les fondations spirituelles, sociales et même économiques de plusieurs régions de la terre, voire de l’humanité entière.

De par mon éducation religieuse, de mes origines hébraïques versées dans les Saintes Écritures, je connaissais l’Éternel, ce Dieu au-dessus de tout, qui dit et la chose arrive, qui ordonne et elle existe, et qui amène à l’existence ce qui n’existe pas. Ces merveilleux attributs étaient acquis quant à ma conception de l’existence, et je savais que rien ne lui résistait. Il faisait ce qu’Il voulait. Tout en moi, mon âme, mon corps, mon être entier l’attestaient et en faisaient un fondement incontestable. Mais lorsque ce jour-là, l’invisible devint visible, tout dans notre existence bascula, particulièrement la mienne.

Il se matérialisa devant moi, réel et à portée de mains. Ma surprise n’avait d’égale que ma crainte de voir un étranger s’introduire chez moi, et me saluer singulièrement. Je saisis au bout d’un moment que c’était un envoyé de Dieu. Un saint respect et une attente fébrile du contenu du message me remplirent, et je mis toute mon attention à son écoute, mesurant la gravité de sa mission et la destinée incroyable qu’était la mienne. L’ange Gabriel quitta les demeures célestes, franchit la porte du Temps, et se présenta là simplement, dans un petit village hébreux, messager d’une missive provenant d’au-delà de l’univers. Je mis du temps à réaliser ce qui m’arrivait, mais lui, il prit le temps de m’exposer le futur, et de me préparer à l’impensable qui risquait de bouleverser nos vies à tous, voire mettre en danger mon intégrité.

L’oxygène filtrait dans ma poitrine péniblement, toute ma vie défila devant mes yeux, et je vis mes projets devenir poussière, balayés au gré d’un vent inconnu. Mais je pris conscience que Dieu avait porté son Saint regard sur moi, et m’avait consacrée pour porter son fils, conçu par le Saint Esprit. Toute vierge en Israël rêverait de porter le Messie. Je m’interrogeai, interloquée par les paroles qui suivirent, et je vacillai dans une nouvelle dimension qui ne m’était pas familière, certes, mais qui avait été faite pour moi, comme une œuvre préparée d’avance et dans laquelle je m’engouffrais pour obéir à l’appel et l’accomplir.

Cela dépassait ma foi, ma religion, mes projets, mais je sentais que je n’avais qu’à me laisser porter par cette vague d’événements que Dieu avait minutieusement préparée avant la fondation du monde. Il m’a choisie moi pour porter le Messie d’Israël ! Qui suis-je pour mériter un tel honneur ?

Je regrettais que Joseph ne soit pas là, il aurait mieux compris la situation, le défi à relever. « Comment comprendrait-il que je sois enceinte alors que j’étais vierge ? Oh Seigneur parle-lui ! Je suis ta servante et j’ai confiance en Toi. »

Et ce que je redoutais se produisit : Joseph ne crut pas à mon histoire et réfléchit pour rompre secrètement nos fiançailles sans en ébruiter la raison. Comment Dieu m’exposerait-il au déshonneur ? J’étais enceinte et tout Nazareth penserait que j’avais connu un homme, lorsque ma grossesse serait vue de tous… Non, le dessein divin conçu au sujet de cet enfant était écrit par le Maître de l’univers, il n’y aurait aucune faille, aucun faux pas. Il était aux manœuvres, et moi, je demeurais dans le calme et la confiance, c’est là qu’est ma force.

Et la porte du temps s’ouvrit de nouveau, laissant pénétrer l’ange du Seigneur, mais cette fois-ci, c’est Joseph qui reçut le message dans un rêve. Aucun argument n’aurait pu le convaincre de mon innocence, Dieu le savait. Lui Seul avait cette faculté de convaincre et amener le cœur humain à reconsidérer ses principes figés et ses croyances légalistes. Et mon fiancé se vit projeté sur la route lumineuse tracée par le Créateur, préparant la venue de son fils dont la seule mission est de sauver l’humanité. Comme cela nous avait été révélé à l’un et à l’autre, son nom serait Jésus, « l’Éternel est le salut ».

Joseph, troublé par cette révélation, obéit promptement et me prit chez lui. Nous n’étions pas un couple ordinaire, Dieu nous confiait son propre fils, dirigeait nos pas vers un inconnu qui nous transcendait, faisait de simples hébreux que nous étions ses collaborateurs afin d’amener à l’existence, à notre époque, l’accomplissement de son plan pour la rédemption du monde. Nos cœurs oscillaient entre la joie d’avoir trouvé grâce à ses yeux, et une sainte crainte d’être digne de ce plan rédempteur planétaire. Ce projet grandiose était le battement du cœur de notre existence. Tout gravitait autour, le présent connu, et l’avenir cet inconnu.

César Auguste ordonna le recensement, et nous dûmes partir nous faire recenser à Bethléem. Une grande multitude de personnes se déplacèrent pour l’événement, occupant toutes les auberges et hôtelleries. Nous n’avions d’autre choix que de nous installer dans une étable, et c’est dans cet humble endroit dénué de tout confort que j’ai donné naissance à Jésus, mon fils aîné, Fils de Dieu. Emmailloté et dormant dans cette mangeoire, il était si fragile, si humain, et pourtant il tenait dans le creux de ses mains minuscules la destinée de l’univers. Nous nous posions mille questions sur ce que lui réservait son Père. Et nous attendions, confiants quoique fébriles, la suite de l’histoire, cette symphonie dont le compositeur était l’Éternel, nous n’étions que les interprètes attendant à chaque pas la révélation de la suite de notre rôle.

Le premier hommage lui fut rendu les premiers jours de sa naissance. Nous vîmes arriver des bergers avec un récit si étonnant. Ils gardaient leurs troupeaux la nuit lorsqu’un ange du Seigneur leur apparut, annonçant la naissance du Sauveur, Christ le Seigneur à Bethléem, leur indiquant l’endroit où ils devraient se rendre pour l’adorer. Puis ils ont vu l’ange rejoint par des myriades de l’armée céleste louant et glorifiant Dieu. Leur surprise et leur bonheur étaient d’autant plus grands lorsqu’ils nous avaient trouvé tous les trois conformément à la description de l’ange.

Quarante jours après sa naissance, nous étions montés au temple de Jérusalem pour sa consécration. Le ciel y était invité, y avait même la place d’honneur. Siméon le vieillard qui attendait la venue du royaume le prit dans les bras, et prononça à son sujet des paroles étonnantes, effrayantes, révélant le destin grandiose dont Jésus était l’auteur, mais l’ombre d’une souffrance inouïe se dessinait pour lui comme pour moi. Puis Anne la prophétesse partagea sa joie de voir en personne le Sauveur du monde, et diffusa allègrement la nouvelle à tout son entourage.

Je transcrivais chaque parole, chaque détail, chaque révélation dans ma mémoire, les passant et repassant dans les replis de mon cœur. Autant la mission est majestueuse et palpitante, autant elle est mystérieuse, voire déroutante, dépassant les bornes de ma petite intelligence. Mais le bonheur de regarder grandir Jésus l’emporta, et nous devenions de simples hébreux que rien ne préparait à la venue des mages d’Orient. Ils s’étaient présentés à Hérode tous les trois, cherchant l’enfant Jésus à la suite d’une révélation divine. Une étoile fut leur guide pour les orienter jusqu’à notre demeure. Même les astres contribuaient à la mission de mon enfant, de quoi nous laisser perplexes en attendant la suite de l’histoire. Chaque mage l’adora et lui offrit un présent : de l’or, de la myrrhe, et de l’encens. Quels symboles !

La porte du temps s’ouvrit de nouveau par un rêve où l’ange prévint Joseph de fuir, et nous emmener en Égypte car Hérode, soucieux pour son trône, projetait de tuer tous les enfants de deux ans et moins, de peur d’un sauveur d’Israël rival. Nous connûmes l’exil, loin des nôtres jusqu’à ce qu’un autre roi accéda au trône. Hérode exécuta des innocents par amour du pouvoir. Averti en rêve, Joseph nous ramena dans notre pays, et nous nous installâmes à Nazareth.

Nous traversions l’itinéraire de notre vie à l’instar de n’importe quelle famille juive, mais une route parallèle la côtoyait, prête à livrer ses révélations insondables, à matérialiser ses interventions divines. Au travers de Jésus, l’éternité était si proche, palpable, tangible. Il nous rappela sa filiation céleste lorsque, à douze ans, nous l’avions perdu pendant quelques jours parmi la foule qui montait à Jérusalem. Après l’avoir retrouvé, discutant des saintes écritures avec les anciens, il nous rappela que sa mission première était de s’occuper des affaires de son Père, celui qui a remis entre ses mains les clés de la rédemption du monde. Il savait depuis le début le pourquoi de sa conception divine, et les projets s’y afférant.

A suivre…

Najat

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